Ces gens-là – 7 – superstitions, nombres et couleurs

Les gens d’ici sont extrêmement superstitieux ou en tout cas le furent.

Les nombres

Bon, chez nous on connaît la numérologie et certaines et certains y croient mais elles et ils sont sans doute une toute petite minorité. Ici, c’est le contraire, tout le monde croit en le pouvoir des nombres. Et cela remonte assez loin.

Un premier exemple:

Sur certaines photos que je publie (ou que vous pouvez voir ailleurs sur le net et dans les livres – oui, il n’y a pas que le net…) vous pourrez remarquer les petites représentations, le plus souvent animales, sur les coins des toitures anciennes.

Onze petites statuettes, la dernière (gauche) ne comptant pas sur le toit du Palais impérial.

Outre leur utilité architecturale (il s’agit du sommet d’une espèce d’aiguille qui s’enfonce dans le toit pour maintenir celui-ci), ces statuettes ont une signification symbolique forte.

Leur nombre d’abord, puisqu’on en parle. Plus il y en a, plus la personne qui vit dans ce bâtiment est importante. Ci-dessus, il y en a onze, nombre de l’empereur… De plus chaque animal symbolise quelque chose: dragon (symbole de l’empereur, force, suprématie, …), le phénix (paix et prospérité), le lion (force, bonheur), la chauve-souris (chance), etc.

Revenons aux nombres et aux chiffres. Le plus souvent, la signification symbolique d’un chiffre est lié à sa sonorité proche d’un autre mot.

Le 9 est un symbole de perfection et d’harmonie et d’éternité. Les amoureux s’offrent parfois 99 fleurs…

Le 8 est le chiffre porte chance par excellence par sonorité (Bā – 八 ) proche de Fā 发 qui signifie Richesse ou Fortune. Les Jeux Olympiques furent inaugurés le 8 août 2008, à 8h08 du soir !

Le 7 est le chiffre de l’harmonie des 5 éléments (voir ci-dessous) plus le Yin et le Yang.

Le 6 est le « petit » chiffre porte bonheur (par rapport au 8) car sa sonorité est proche du verbe s’écouler, d’où l’idée que la vie s’écoule paisiblement.

Le 5 est le chiffre de la stabilité, des 5 éléments: feu, terre, eau, bois et métal.

Le caractère signifiant « chance » entouré de chauves-souris

Le 4 est le chiffre porte malheur par excellence. Ainsi, dans de nombreux bâtiments, même s’il y a cinquante étages, il n’y a pas de 4 ou de 14 ou de 24*. Simplement parce que la prononciation de 4 (Si) est proche de la prononciation du mot mort (Sǐ), seul l’intonation change.

  • *A propos, ne chercher pas le niveau 0, le rez-de-chaussée. Ici il porte le numéro 1. Et donc, dans ce genre de bâtiments, si vous devez aller au 5ème, en fait vous vous vous retrouver au 3ème occidental : on commence à compter à 1 (et pas à 0) et on enlève le 4… Vous suivez ?

Le 3 est le « petit » chiffre porte malheur (moins grave que le 4).

Le 2 est un chiffre positif représentant la dualité mais par elle, la vie.

Les couleurs

Beaucoup à dire sur les couleurs. Mais intéressons nous au cinq couleurs de bases pour les gens d’ici: le rouge, le jaune, le vert, le blanc et le noir.

Le rouge pour le feu (火), couleur par excellence du pays, représente la force, la richesse, la bonne fortune au sens propre et figuré. Une mariée, pas encore trop touchée par la mode occidentale, privilégiera une robe rouge.

Un couple de futurs mariés (la cérémonie en tant que telle suit la séance de photos)

Le jaune pour la terre (土), était la couleur de l’empereur, est encore la couleur de la richesse et de la noblesse mais aussi, depuis moins longtemps, celle du sexe et de la pornographie…

Le vert pour le bois (木), est la couleur de la fertilité, de la propreté, de l’harmonie mais aussi, dans certains contextes, de l’infidélité. L’expression « porter un chapeau vert » signifie être cocu… Vous voilà prévenues et prévenus.

Le blanc pour le métal (金) est le symbole de la pureté mais aussi de la mort (moins aujourd’hui à cause de l’influence occidentale notamment au niveau de la mode pour les robes de mariées).

Le noir pour l’eau (水) représente la sobriété, la stabilité et le pouvoir (regardez bien les costumes du président…). Pas le bleu pour l’eau ? Et bien non, le bleu est considéré comme une nuance de vert. Rappelons que le bleu, dans nos contrées n’a été réellement représenté et nommé qu’à partir du Moyen Age…

Ex cursus tiré de différents ouvrages de Michel Pastoureau, grand (et passionnant) historien des couleurs.

En latin ou en grec ancien, le ciel et la mer sont rarement qualifiés de bleus. En grec ancien, l’adjectif kyaneos qualifie aussi bien le bleu des yeux que le noir des vêtements de deuil. Et glaukos, qui indique une idée de pâleur, s’applique aussi bien au bleu des yeux, qu’au vert des feuilles ou au jaune du miel. On ne nommait la couleur des phénomènes naturels que sur un plan métaphorique. Le ciel est blanc, rouge ou noir, selon la façon dont il agit sur la vie des hommes. Dire qu’il est bleu n’a pas de sens. Chez Homère, on trouve très peu d’adjectifs de couleur, mais beaucoup d’adjectifs de luminosité (clair, sombre, gris, …). Même chose dans la Bible où on est très attentif à l’éclat, la brillance, la matité. C’est une constante des sociétés anciennes occidentales mais également orientales comme nous venons de le voir.

La promotion du bleu en Europe se serait faite grâce à trois agents : les figurations de la Vierge Marie, mère de Jésus, le roi de France et la morale.

Jusqu’au XIIème siècle, la Vierge est habillée en sombre: noir, vert, bleu. L’idée est qu’elle porte le deuil de son fils. A la fin du XIIème, le bleu s’éclaircit et élimine les autres couleurs. On arrive aux Vierges gothiques, toutes de bleu vêtues.

A partir du XIIIème siècle, ce sont les rois qui commencent à s’habiller de bleu. Et particulièrement le roi de France, parce qu’il a du bleu dans ses armoiries (d’azur semé de fleurs-de-lis d’or). Le premier à s’être habillé en bleu, aurait été St-Louis (Louis IX). Charlemagne ne l’aurait jamais fait. Il s’habillait en rouge et vert, le couple de couleurs le plus fréquent pour l’aristocratie.

Enfin, la morale s’en est mêlé. A la fin du Moyen Age, apparaît l’idée qu’il y a des couleurs honnêtes – noir, blanc, gris, brun, bleu – et des couleurs « déshonnêtes » – jaune, vert, rouge. Cela s’inscrit dans le grand courant moralisateur qui traverse la fin du Moyen Age et que la Réforme protestante récupère. Les grands réformateurs protestants ont une haine pour les couleurs vives. A partir du XVIème, le rouge qui occupait une place important (les hommes s’habillaient très souvent dans cette couleur), connaît un recul considérable et définitif. Et le bleu devient une couleur morale, un statut qui favorise sa diffusion, dans l’Europe protestante d’abord, dans l’Europe catholique ensuite.

Traditions

Une tradition : les costumes traditionnels pour aller visiter les lieux importants (comme la Cité interdite).

Ce ne sont pas des acteurs mais des gens comme vous et moi (en fait pas trop comme moi…) soit qui viennent faire leur photos de mariage en costume (avant d’aller rendre le costume au loueur puis fêter le mariage en tant que tel avec famille et tout), soit qui viennent faire des photos tout simplement.

Attention fantômes

Les gens d’ici croient aux fantômes et à d’autres esprits malfaisants. Il y a essentiellement deux fantômes qui font peur aux petits enfants : le fantôme noir et le fantôme blanc. Ils passent par les miroirs donc ne mettez pas un miroir en face de votre lit : en baissant votre garde quand vous dormez, ils pourraient s’infiltrer…

Les seuils des portes des palais et maisons les plus anciennes sont hauts pour justement que les fantômes trébuchent dessus. Plus le seuil est haut, plus le personnage qui vit dans le bâtiment est important… et ne vous avisez pas de marcher sur le seuil, il faut l’enjamber.

3 réflexions au sujet de « Ces gens-là – 7 – superstitions, nombres et couleurs »

  1. J’adore vraiment découvrir cette région qui m’est tout à fait méconnue à travers tes yeux ! Merci Yves pour ces informations 👍😘😘😘

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