Après la période trouble des 5 dynasties et des 10 royaumes, la dynastie Song se met en place. Elle a régné sur la Chine du Xème au XIIIème siècle et est souvent divisée en deux périodes principales : la période des Song du Nord (960-1127) et la période des Song du Sud (1127-1279). Les Song du Nord dirigèrent une Chine largement unifiée depuis leur capitale de Kaifeng. Mais lorsque la partie nord de l’État fut envahie par l’État Jin dans le premier quart du XIIème siècle, les Song déplacèrent leur capitale vers le sud, à Hangzhou.
Fondation de la dynastie
Le chaos et le vide politique provoqués par l’effondrement de la dynastie Tang (618-907) conduisit à l’éclatement de la Chine en cinq dynasties et dix royaumes. Mais un seigneur de guerre releva le défi, comme souvent auparavant, et rassembla au moins quelques-uns des différents États, redonnant au pays une apparence de Chine unifiée. Ainsi, la Dynastie Song fut fondée par le général des Zhou postérieurs Zhao Kuangyin (927-976), qui fut promu empereur par l’armée en 960. Il régnera sous le nom de Taizu (‘Grand Progéniteur’). Pour s’assurer qu’aucun général rival ne devienne trop puissant et n’obtienne le soutien nécessaire pour s’emparer du trône, l’empereur introduisit un système de rotation pour les chefs de l’armée et balaya toute opposition. En outre, il s’assura que la fonction publique jouisse désormais d’un statut supérieur à celui de l’armée en lui conférant le rôle d’organe de contrôle.
L’empereur Taizu de Song fut remplacé par son frère cadet, l’empereur Taizong (‘Grand Ancêtre’), qui régna de 976 à 997. La stabilité apportée par les longs règnes des deux premiers empereurs (du moins par rapport aux chaotiques siècles précédents) donna à la Dynastie Song le départ dont elle avait besoin pour devenir l’une des plus prospères de l’histoire de la Chine.
Consolidation et Gouvernement
Taizu conquit peut-être une grande partie de la Chine centrale, mais ni lui ni ses successeurs ne réussirent à conquérir la dynastie khitan Liao au nord, qui contrôlait la zone défensive vitale de la Grande Muraille. En effet, les cavaliers khitans étaient si supérieurs qu’ils envahissaient la Chine des Song à volonté et que les empereurs Song étaient contraints de payer à leurs voisins un tribut annuel sous forme d’argent et de soie. Une situation similaire se produisit avec l’état tangoute Xia au nord-ouest. Un tribut leur fut également versé à la suite d’une défaite en 1044, afin que les empereurs Song puissent maintenir une frontière pacifique et se concentrer sur la consolidation de leur domination de la Chine centrale et la gestion de leurs 100 millions de sujets. Les paiements de tribut étaient énormes mais inférieurs aux coûts d’une guerre ou du maintien d’une présence militaire constante dans la région. En outre, comme le commerce était florissant entre ces états, une grande partie de la valeur du tribut revenait de toute façon à la Chine en paiement de ses exportations.

Bien que les Song aient été capables de gouverner une Chine unie après une longue période de division, leur règne fut affecté par les problèmes d’un nouveau climat politique et intellectuel qui remettait en question l’autorité impériale et cherchait à expliquer ce qui avait failli dans les dernières années de la dynastie Tang. L’un des symptômes de cette nouvelle pensée était le renouveau des idéaux du Confucianisme, le Néo-Confucianisme, qui mettait l’accent sur l’amélioration du soi dans un cadre métaphysique plus rationnel. Cette nouvelle approche du Confucianisme, avec son ajout métaphysique, permettait désormais de renverser l’importance que les Tang avaient accordée au Bouddhisme, considéré par de nombreux intellectuels comme une religion non chinoise.
L’affrontement des idéaux politiques et religieux à la cour conduisit souvent à des factions et à des exils préjudiciables, mais le véritable problème, bien sûr, ne fut jamais vraiment abordé. Il s’agit de la grande inégalité des richesses dont souffrait la Chine depuis des siècles. Une tentative de réforme fut les Nouvelles Politiques du chancelier Wang Anshi (1021-1086), qui souhaitait alléger les charges des éléments les plus pauvres de la société. Il proposa des réformes telles que la substitution d’un impôt en nature à un service de travail, l’offre de prêts à taux d’intérêt réduit, et la réalisation de nouveaux relevés fonciers visant à répartir plus équitablement les obligations fiscales. Ces réformes se heurtèrent toutefois à l’opposition presque totale des administrateurs locaux dont l’intérêt était le statu quo et leur réseau bien établi d’amis et de pots-de-vin. Dans la pratique, si un nombre croissant de personnes avaient la possibilité de rejoindre la classe des érudits et des bureaucrates qui dirigeaient l’état chinois aux niveaux national et local, et même si la petite aristocratie élargissait considérablement sa base, la grande majorité de la population sous la Dynastie Song restait, comme toujours, les paysans surchargés de travail et surtaxés.
Économie
Si la politique des Song était quelque peu gênante pour les empereurs, au moins l’économie était en plein essor. Bianjing (aujourd’hui Kaifeng), déjà capitale sous les dynasties précédentes, était l’une des grandes métropoles du monde sous les Song. Avec une population d’environ un million d’habitants, la ville bénéficiait de l’industrialisation et était bien approvisionnée par les mines voisines produisant du charbon et du fer. Important centre commercial, Kaifeng était surtout célèbre pour ses industries d’imprimerie, du papier, du textile et de la porcelaine. Ces produits étaient exportés le long de la Route de la Soie et à travers l’Océan Indien, tout comme le thé, la soie, le riz et le cuivre.
L’agriculture, dans l’ensemble, devint beaucoup plus efficace, et les fermiers cherchaient à produire plus que ce dont ils avaient besoin pour leurs propres besoins. Les villes devinrent plus densément peuplées, les marchés prospérèrent et les agriculteurs commencèrent à cultiver des produits pour lesquels ils savaient qu’ils pourraient demander des prix élevés, comme le sucre, les oranges, le coton, la soie et le thé. Pour transporter toutes ces marchandises par les canaux et la mer jusqu’aux endroits où elles étaient demandées, des milliers de navires furent construits, et c’est ainsi qu’une nouvelle industrie connut un grand succès. Les entreprises devinrent plus grandes et plus sophistiquées, avec différents niveaux de gestion et de propriété. Les guildes, les grossistes, les partenariats et les sociétés par actions se développèrent dans leur ensemble et l’économie chinoise commença à prendre lentement l’apparence de quelque chose de proche du modèle industriel d’aujourd’hui.
Arts et Sciences
Sous les Song, la Chine devint une nation plus moderne et plus industrialisée grâce à des innovations dans le domaine des machines, de l’agriculture et des processus de fabrication. Parmi les inventions importantes ou améliorations d’idées existantes, citons les bateaux à roues à aubes, la poudre à canon, le papier-monnaie, la boussole fixe, le gouvernail de poupe, les portes d’écluses des canaux et la presse à imprimer à caractères mobiles (déjà connue sous les Tang mais amplement développée).
La littérature fut en plein essor pendant la Dynastie Song. Lie Jie écrivit un célèbre traité d’architecture, Yingzao Fashi (1103), et des encyclopédies virent le jour. De célèbres ouvrages d’histoire furent rédigés, comme le Zizhi Tongjian (Miroir Complet d’Aide au Gouvernement) de Sima Guang qui, publié en 1084, couvrait l’histoire de la Chine de 403 av. JC à 959 de notre ère. Cette période vit la publication d’un grand nombre d’œuvres poétiques. L’un des poètes les plus célèbres est Su Dongpo, ou Su Shi (1037-1101), qui écrivit, comme beaucoup de ses contemporains, sur l’amour, la solitude et le chagrin.
Les femmes de la période Song eurent sans doute moins de chance que leurs prédécesseurs, et des pratiques telles que le bandage des pieds en particulier, devinrent plus courantes. Cependant, une poétesse renommée fut Li Qingzhao, qui décrivit de façon fameuse l’exil de sa famille en 1127, et son chagrin à la mort précoce de son mari.
Les arts visuels en général prospérèrent, alimentés par la demande croissante d’une classe moyenne de plus en plus riche. La porcelaine fine et le théâtre furent très prisés par la nouvelle élite urbaine. Les peintures de paysages tendaient à un plus grand réalisme, l’une des plus célèbres étant Voyage Par-delà les Fleuves et les Monts, peinture sur soie de 2 x 1 m, de Fan Kuan (c. 990-1030). La peinture de fleurs et d’animaux sauvages, notamment d’oiseaux, devint également très populaire chez les artistes de la Dynastie Song. L’appréciation de l’art fut telle que nombre des artistes les plus célèbres faisaient ingénieusement copier leurs œuvres, et ces contrefaçons, parfois garnies du sceau estampé de l’artiste, continuent de tromper les antiquaires jusqu’à aujourd’hui.
Menaces Territoriales
Au début du XIIème siècle, la position de la Chine en tant que maître de l’Asie orientale était de plus en plus menacée par les attaques des États Liao et Xia au nord. Plus dangereux encore étaient les Jürchen, peuple tribal du nord-est de la Chine. Ancêtres des Mandchous, ils parlaient la langue toungouse et avaient déclaré leur propre État, le Jin, en 1115. Les Song profitèrent de leurs ambitions territoriales, et les deux États unirent leurs forces pour vaincre les Liao. Malheureusement, bien qu’ils eurent atteint leur objectif, les Song montrèrent plutôt leur faiblesse militaire. Ainsi, en 1125, l’État Jin attaqua des régions du nord de la Chine. L’empereur Huizong (règne de 1100 à 1126) fut capturé avec des milliers de personnes et, en plus de la perte d’une grande bande du territoire, les Song furent contraints de payer une rançon massive aux Jürchen pour éviter d’autres pertes humaines.
La défaite obligea la cour des Song à se déplacer dans la vallée du Yangtze, et ils finirent par établir une nouvelle capitale en 1138 à Hangzhou, dans la province du Zhejiang. Ce fut le début de la Dynastie des Song du Sud. Le rétrécissement des terres des Song ne freina pas l’essor de l’économie car, heureusement, les grands ports de commerce de la nouvelle capitale, Quanzhou et Fuzhou se trouvaient tous dans le sud et continuaient à prospérer comme des villes multinationales où un nombre important d’immigrants musulmans et hindous étaient installés en permanence. Le sud était également beaucoup plus fertile et continuait à produire des excédents à chaque récolte.

Heureusement pour l’empereur Song, il contrôlait toujours la partie la plus riche de son ancien état et environ 60 % de la population. Hangzhou se développait. Célèbre pour ses canaux et ses jardins pittoresques, c’était un centre commercial prospère produisant de la soie et des bateaux, et comptant une population de plus d’un million d’habitants. Les défaites militaires amenèrent également les dirigeants et les intellectuels des Song à repenser leur stratégie et à s’efforcer d’aider toutes les couches de la société. Dans la capitale, les pauvres recevaient par exemple des allocations gratuites et une aide médicale.
L’Invasion Mongole
Alors que les Song s’étaient habitués à leur nouvel état après le terrible bouleversement causé par les Jürchen, une menace encore plus grande apparut, une fois de plus venant du nord. Les tribus nomades mongoles s’étaient rassemblées sous la direction de Gengis Khan (règne de 1206 à 1227), et elles attaquèrent et pillèrent à plusieurs reprises les états Xia et Jin au cours des trois premières décennies du XIIIème siècle. Les Song pensaient qu’ils seraient les prochains et préparèrent donc leurs armées, en les finançant en grande partie avec les richesses confisquées à l’aristocratie foncière – politique qui n’améliora pas l’unité interne. Il y eut cependant un sursis, car les Mongols furent assez occupés à l’extension de leur empire en Asie occidentale.