Rapport tragique avec le Japon
Émotion à Shenzhen, le 18 septembre : à environ 200 mètres de l’école japonaise, un écolier japonais âgé de 10 ans a été mortellement frappé au couteau par un Chinois de 44 ans (le jeune garçon est mort de ses blessures le jour d’après). La date n’est pas anodine puisque c’est le 18 septembre 1931 qu’a eu lieu l’incident de Mukden (aujourd’hui Shenyang), que la Chine considère comme marquant le début de l’invasion japonaise de la Mandchourie, aujourd’hui au nord-est de la Chine. Connaissant le tropisme chinois pour la construction sociale du trauma mémoriel, [..].
Ce que je voudrais souligner ici c’est cette notion de tropisme chinois pour la construction du trauma mémoriel. C’est une expression très compliquée mais qui me semble bien exprimer quelque chose du pays : une tendance, une volonté je dirais même, de la part du parti-gouvernement, de rabâcher les traumatismes historiques et d’entretenir cela dans la mémoire collective. On en voit les conséquences dramatiques ici avec le souvenir de la guerre sino-japonaise (1931 pour les débuts de l’invasion de la Mandchourie mais surtout 1937-1945) mais on en subit également toujours les conséquences en occident avec ce rabâchage par Mr X des traumatismes du XIXème siècle, des humiliations subies par ce pays de la part des puissances occidentales (plus la Russie et le Japon) durant ce siècle.
Alors, est-ce le reflet d’un traumatisme personnel de Mr X ou quelque chose de plus fondamental dans la culture de ce pays ? Sans doute les deux.
En creusant un peu (et oui, mes réflexions ne sont pas toujours « premier niveau », je tente de les alimenter…), par rapport aux fondamentaux de la culture, si les religions se sont éloignées du peuple à certains moments de l’histoire (notamment récente), le culte des ancêtres est resté un fondamental contre vents et tempêtes et donc la mémoire du passé (trafiqué ou pas, haï ou pas) est culturellement important. Est-ce le fait d’un « vieux » pays qui a construit son roman national historique sur plusieurs millénaires ?
Il me semble clair également que ce type de régime, dictatorial, se doit de construire ce roman national fort avec des ennemis externes clairement identifiés ou identifiables. C’est sans doute une des caractéristiques indissociable de ce type de régime.
Bien sûr, dans ce cas précis, le Japon est loin d’être tout blanc. Je crois avoir déjà souligné le fait qu’il n’y a pas eu de changement fondamental de régime après la guerre (au contraire de l’Allemagne), il n’y a jamais eu d’excuses officielles, voire de reconnaissance des faits (certains manuels d’histoire japonaise parlent toujours de « avancée japonaise en Chine » et non d' »agression »), …
L’art occidental en Chine
Petit détail en lien avec la difficulté de compréhension de l’Occident par les Chinois et leur méconnaissance de notre monde, l’art occidental (autre que contemporain) n’existe pour ainsi dire pas en Chine aujourd’hui. Aucun musée public ne lui est consacré. Les quelques musées qui présenteraient des œuvres occidentales contemporaines, le font grâce à des des achats spectaculaires d’artistes internationaux par des oligarques chinois surtout désireux de montrer leur puissance économique. Il n’y pas de collections constituées par des conservateurs-scientifiques.
Les musées d’art ne sont d’ailleurs que très rarement dirigés par des conservateurs chinois qui pourraient faire un programme indépendant des intérêts économiques et politiques des propriétaires. Quand un musée d’art comprend une collection d’art chinois et international quelque peu ordonnée comme dans les musées occidentaux, c’est sous la direction de personnalités européennes comme à P3kin où le Belge Guy Ullens a créé en 2007 le premier centre d’art contemporain, l’UCCA (Ullens Center for Contemporary Art – dans le quartier 798), qui a été dirigé par le critique d’art français Jérôme Sans, puis par l’Américain Philip Tinari.
En Europe, « grâce » notamment au pillage du XIXème siècle, nous avons plus facilement accès à l’art Chinois (BnF, Musée Guimet et musée Cernuschi à Paris, British Museum, Victoria & Albert Museum à Londres, Museum of East Asian Art dans le Somerset, Musée des Arts d’Asie orientale à Cologne, Musée Art & Histoire à Bruxelles, etc.)