D’une petite ville forteresse et d’un conflit mondial

Partant de l’est, le pont Marco Polo, dont je parle dans un autre petit article, mène vers une petite ville forteresse censée protéger la capitale. Une petite ville donc, entourée complètement d’une muraille mais qui a gardé un caractère assez typique.

Une rue principale (+/- 600 m de long; c’est plus un village qu’une ville mais avec un gros commissariat de police) avec quelques bâtiments dont la plupart semblent (et sont – j’ai déjà vu ici beaucoup d’ « ancien-reconstruit » donc on voit la différence) anciens et partant de là, quelques ruelles, typiques également mais dans un tout autre style, un style arrière-cour si je puis dire…

La porte ouest et la muraille :

La petite ville, rue principale :

Les ruelles :

Ils jouent au xiangqi, un jeu très populaire qui, de ce que j’en ai compris, est entre le stratego et les échecs:

La bibliothèque de la ville (également café):

Et puis, sur la place, au centre de la petite cité, face au drapeau national, le musée de la guerre de résistance du peuple chinois contre l’agression japonaise (« légèrement » propagandiste).

Petit rappel historique

En 1931, l’empire japonais avait envahit la Mandchourie (nord-est de la Chine) et créé un état fantoche : le Mandchoukuo. D’un autre côté, depuis le « protocole de paix des boxers » de 1901, chaque pays ayant un légation en Chine (anglais, allemands, français, … et bien sûr japonais) pouvait avoir des troupes le long de la ligne de chemin de fer de Beijing à Tianjin (au sud-est de Pékin le long de la côte). L’empire japonais en a largement profité et, dans les faits, occupe tous les alentours de la capitale.

Donc le 7 juillet 1937, un conflit éclate près de cette petite cité et sera à la base de la guerre mondiale de ce côté du monde. Plusieurs versions de cet incident existent: mais globalement, il s’agirait d’un enlèvement (réel ou mis en scène ?) d’un soldat japonais durant un exercice et d’une vengeance contre la cité (voir ici par exemple une explication plus détaillée). Le musée nous rappelle la mainmise de l’empire japonais sur la quasi totalité de la Chine, les combats, la résistance organisée et rassemblée par le PCC, les horreurs de la guerre jusqu’à la victoire…

Il est étonnant comme la rancœur (j’oserais presque dire la haine) à propos des Japonais est encore fort présente dans les discours (notamment du guide) alors que chez nous, l’allemand, ennemi d’hier, est devenu le voisin, un des piliers de l’UE et la rancœur s’est globalement éteinte (avec des exceptions, bien sûr). Si je peux me permettre une hypothèse personnelle : en Europe, pour parler des horreurs de la seconde guerre mondiale, nous parlons souvent de l’horreur nazie (et rarement de l’horreur allemande). Le choix des mots nous permet peut-être de mettre une distance entre les fauteurs d’hier et le peuple allemand d’aujourd’hui. Ici, on parle des Japonais, de l’agression japonaise sans cette distanciation verbale par rapport à la population d’aujourd’hui… D’où peut-être cette rancœur toujours présente… Cette hypothèse vaut ce qu’elle vaut…

Et dans la petite ville, le long de la rue principale, un petit étal extrêmement flippant… des imitations de Lego militaristes : chars, hélicoptères de combats, vaisseaux de guerre, … En n’y prêtant pas trop attention même le logo fait penser à celui de Lego. Sur le même étal de jeux d’enfants, des reproductions (je l’espère !) de pistolets Mauser C96 utilisés par les troupes chinoises, plus vraies que nature.

Le pont Marco Polo

Petite excursion ce week-end à 50 km au sud-ouest de la capitale. Là un pont enjambe une large rivière et porte le nom de pont Marco Polo ou pont de Lugou. Il tire son nom occidental d’une description qu’en aurait fait le fameux explorateur dans son Devisement du monde ou Livre des merveilles.

A propos de ce dernier, il est intéressant ou amusant de noter qu’une autrice anglaise, Frances Wood, a mis en doute la visite de Marco Polo en Extrême Orient dans son livre Did Marco Polo go to China de 1995 ou au moins a mis en doute un certain nombre de ses dires.

Ce pont, dont l’origine remonte au XIIème siècle, fut restauré en 1987 et n’est aujourd’hui ouvert qu’aux touristes. Il a une certaine particularité, c’est que tout au long de ses 266 m se tiennent sur le parapet des lions, tous différents, certains avec des lionceaux. En tout près de 500 lions et lionceaux.

Le pont est malheureusement célèbre pour un autre fait. Le 7 juillet 1937, un « incident » (c’est comme cela qu’ils en parlent) lors d’un exercice des troupes japonaises cantonnées près du pont déclenche la seconde guerre sino-japonaise et la seconde guerre mondiale de ce côté du monde. J’en reparlerai dans le prochain articulet.

L’armée de terre cuite – complément d’information

« Demandez et vous recevrez »… N’hésitez pas à demander des compléments d’informations ou que je développe ceci ou cela dans ces articulets. Je ne sais pas ce qui intéresse exactement chacune et chacun d’entre vous.

Donc voici un complément d’information à propos de l’armée de terre cuite. Ceci vaut ce que ça vaut car ici, comme dans d’autres pays, il est parfois difficile de trier entre la légende, l’Histoire et l’histoire revisitée.

Donc pour nos petits soldats, l’histoire (récente) commence un peu avant 1974. Le lieu était alors purement agricole et certains fermiers, en labourant leurs champs avaient déjà découvert certains tessons mais sans plus… En 1974, un fermier veut creuser un puit et tombe sur une tête de soldat. Il fait appel au « professeur » (lettré quelconque) du coin qui s’en inquiète et débarque bientôt avec quelques collègues archéologues ou autres. Ils creusent un peu et font les premières découvertes. Nous sommes à quelques centaines de mètres (+/-1500 m) de ce qu’on savait être le tumulus du tombeau du premier empereur (jamais fouillé à ce jour).

Les fouilles commencent donc et le brave paysan est exproprié pour ce qui vaudrait aujourd’hui une dizaine d’euros.

Les fouilles débouchent sur la première fosse d’où l’on dégage près de 6000 guerriers un peu plus grands que nature et dont la taille varie selon le grade.

Les soldats sont rangés dans des espèces de couloirs avec un mur de chaque côté. Ces murs supportaient un plancher recouvert de terre par la suite. Donc la pseudo-nécropole n’avait pas de but de visibilité (puisqu’elle était recouverte de terre).

Le visage de chaque soldat est un peu différent. Selon la légende, les ouvriers auraient sculpté la tête de leurs collègues. Plus prosaïquement, il y aurait quelques modèles seulement avec de petites variations (une moustache par-ci, un nez tordu par là).

Tous les ouvriers de l’époque de l’empereur (on parle de 700 000) auraient été exécutés après le travail.

Donc une fois les fouilles bien avancées, un immense hangar (vraiment très immense !) est construit pour protéger l’ensemble.

En 1976, d’autres sondages permettent de découvrir la fosse n°2 qui livre encore quelques 1400 soldats (y compris chevaux et chars). Le bâtiment qui la protège est moins rudimentaire que le hangar de la fosse n°1 et sur les côtés, des vitrines montrent certaines statues entières remarquables (un archer, un cheval, un général, …)

Sur cette photo, vous voyez au centre, quatre chevaux qui tiraient un des chars. Devant les chevaux, l’avancée de ce qui pourrait être un tunnel menant à la sépulture de l’empereur.

Une troisième fosse visitable renferme encore une petite septantaine de soldats.

Précisions: toutes les statues étaient polychromes et il y aurait encore d’autres fosses (5 ou 6).

Ce qui est très étonnant, c’est qu’il s’agit d’un chantier archéologique immense mais qui (malgré les dires des guides) semble à l’abandon. Superstition et culte des ancêtres, manque de budget, manque de spécialistes ou autre, ce chantier n’avance pas et ce qui est également étonnant c’est qu’on ne recherche pas le lien (tunnel) qui relie le lieu avec le tumulus et qu’on ne fouille pas ce dernier. Excuse officielle : on attend que les techniques évoluent pour ne rien abîmer et pour éviter les éventuels pièges…

Après l’Islam, le Bouddhisme

Deuxième (et dernier jour) à Xi’An, au menu : la grande pagode et la muraille de la ville.

La grande pagode ou Grande Pagode de l’Oie sauvage a été construite en 652 mais plusieurs fois reconstruite et il reste peu de la construction d’origine. Tous les temples sur le pourtour du monastère n’ont guère plus de 50-60 ans.

Pour la petite (ou grande) histoire, elle fut édifiée à la suite du périple d’un moine, XuanZang, parti vers l’Inde pour étudier plus à fond les enseignements de Bouddha et ramener des bouquins expliquant le bouddhisme. Son périple durera 16 ans et il revient avec plusieurs Soutra qu’il traduira en chinois. Son histoire est racontée sur les murs des batiments derrière la pagode.

Alors, le bouddhisme, dans mon imaginaire, respire le calme et le recueillement. Malheureusement, là, contrairement à la mosquée, rien de tel, alors que le monastère est toujours actif (j’ai vu 1 moine !). Beaucoup de touristes qui vont et viennent mais aussi beaucoup de gens qui achètent de l’encens et l’offre à Bouddha en une mutlitude de salutations. Mais passons aux photos…

Dernière étape, la muraille… Une muraille quadrangulaire de 14 km avec 4 portes sous forme de barbacanes (une première porte, une cour intérieure pour piéger l’ennemi et une deuxième porte). Pas de herses, de pont-levis ou de douves. Ici également beaucoup fut reconstruit (pas mal de pierre sont marquées « 1984 »). Le chemin de ronde est très large, on se croirait sur la digue à Ostende avec de nombreux vélos et, à certains endroits, des attractions et des échoppes. et de chaque côté (intérieur comme extérieur) une ville moderne… Pas vraiment de centre historique typique sauf ce que je vous en ai montré (le quartier musulman).

Le quartier musulman

Après la visite des petits soldats (non, ils ne sont pas petits, certains mesurent plus de 2 m : les généraux), retour vers la ville et vers son quartier musulman. Cette première capitale de l’empire unifié est bien l’une des extrémité de la Route de la Soie qui dès l’Antiquité relie le monde oriental à l’occident via le Moyen Orient. C’est donc un centre où se retrouvent des marchands mais aussi des voyageurs, des lettrés, des religieux venant de toute cette cette fameuse route et donc bien évidemment, certains d’entre eux avaient embrassé la nouvelle religion musulmane.

Une première mosquée est construite en 742 mais fut plusieurs fois reconstruite ou agrandie. Elle restera toujours (et est encore) un lieu de culte pour les Chinois musulmans (peuple Hui de l’Islam sunnite). Elle est construite dans un style tout à fait chinois et j’ai même eu du mal à distinguer le minaret dans l’ensemble, alors que souvent celui-ci est bien visible comme les clochers de nos églises.

J’ai déjà présenté un peu la grande route très, très commerçante qui traverse le quartier musulman (Victoria : du street food partout !!!) mais il faut se diriger dans une rue plus étroite puis prendre une venelle couverte parsemée seulement de quelques échoppes de souvenirs (dont une avec des vieilles affiches – ou reproductions de vieilles affiches – des débuts du communisme chinois) avant d’arriver à la mosquée.

La venelle couverte…

Et puis là, au milieu d’une ville de 11 millions d’habitants (une ville moyenne selon eux), un oasis de calme et de recueillement. Les bruits de la ville semblent lointains. Mais je vous laisse apprécier les quelques médiocres photos de mon smartphone…
PS: Tout le monde prend des photos avec son smartphone, un de mes collègues s’est fait « enguirlandé » par la police en prenant des photos avec un appareil photo. Pourquoi ? Un smartphone est surveillable car connecté, un appareil photo pas 🙂

Le minaret

Quelques calligraphies arabes nous rappellent que ce lieu typiquement chinois est le temple d’une religion née beaucoup plus à l’ouest.

Nous quittons la mosquée et nous baladons dans le quartier (un peu en dehors de la grande rue mais toujours du street food…)

Street food épicé ou simples épices, échoppe de « brol kitsch » comme on dirait chez nous, huîtres énormes mais très STREET food… Et puis plusieurs de mes magasins préférés :

Les petits poissons viennent vous chatouiller les pieds en mangeant vos peaux mortes… (il y a le même à Pairi Daiza mais ici le magasin est plus kitsch) et il y a plusieurs échoppes du genre dans la rue…

Et puis resto avec différents plats à partager sur le centre tournant (et bien sur, dans certains resto, que des baguettes !):

A propos, dans un précédent article « Ces gens là », j’ai oublié un élément surprenant au repas: les restaurant français mettent à table un carafe d’eau… les gens d’ici aussi mais, l’eau est tiède ou chaude. Ça surprend ! Elle est parfois aromatisée (une tranche de citron, des graines de sésame, …). Le principe, venu de la médecine chinoise, est de dire que le choc pour le corps est moins grand avec de l’eau chaude qu’avec de l’eau froide ou glacée… On s’habitue vite.

L’armée de terre cuite

Vous connaissez sans doute cette fameuse armée de terre cuite créée à la demande du premier empereur pour garder son mausolée… Et bien j’ai eu l’occasion de la voir en vrai… Impressionnant.

Mais ce qu’on ne vous dit pas, c’est que ce sont les touristes qui créent les soldats de terre cuite… 😉 La preuve en images :

Ensuite, nous avons été voir la vraie. L’ensemble se trouve dans trois immenses hangars. Dans le premier il y avait une foule incroyable (d’où les piètres photos au-dessus de la foule) mais ça donne une idée de l’immensité du bazar. La foule en question est sans doute due aux 3 ans de confinement et au Nouvel An chinois : la plupart des gens sont en congés cette semaine et en ont profité pour rentrer dans leur famille et/ou visiter quelque chose.

Les autres images vous montrent qu’il y a encore un immense travail d’archéologie à faire mais qui semble quelque peu bloqué. Des personnes qui l’ont vu dans les années 90 m’ont dit que rien n’avait changé ou presque…

Premier (et principal) hangar:

Les deux hangars suivants:

Je vous mets en lien la page Wikipedia sur le sujet. Je n’ai rien appris de plus sur place sur le sujet. Il se fait tard. D’ici le week-end je publierai quelque chose sur le reste de la visite de l’ancienne capitale.