Coupez ! … Censuré

Comme dans bon nombre de régimes totalitaires, le cinéma « importé » (ici, on sous-entendra le cinéma occidental – européen et américain) est censuré : soit les films ne sont tout simplement pas admis dans leur ensemble soit certaines scènes des films sont coupées. En voici quelques exemples avec le pourquoi.

Déjà en 1959, la Chine de Mao interdisait le film aux 11 Oscars Ben Hur pour cause de « propagande de convictions superstitieuses, à savoir le christianisme« . Mais cela dura bien après la « libéralisation » entamée en 1982 par Deng Xiaoping. Des films sur le Tibet, prenant position pour un Tibet libre furent bien sûr interdits comme Kundun (1998 de Martin Scorsese) ou Sept ans au Tibet (1997 de Jean-Jacques Annaud) qui s’accompagna de la mise au banc des films avec Brad Pitt, acteur principal. Le Parti essaya aussi (vainement) d’influencer l’Argentine pour qu’elle n’autorise pas le tournage de ce film dans son pays.

Homosexualité

Sans grande surprise, le film Le Secret de Brockeback Mountain (2006 – Ang Lee) qui dévoile l’homosexualité de deux « cow-boys », est interdit (à cause de l’homosexualité). Par contre, les autorités locales ont félicité le cinéaste pour son Oscar du meilleur réalisateur mais en censurant, dans la presse locale, la partie de son discours sur sa propre homosexualité.

Nous avons déjà parlé du film Les Animaux fantastiques : Les secret de Dumbledore dont certaines scènes qui sous-entendaient les amours homosexuelles de Dumbledore ont été coupées.

Mais soyons justes sur ce sujet, en 2015, Les autorités chinoises ont approuvé la diffusion en salles d’un film sur un amour homosexuel, Seek McCartney selon son titre en anglais (« Xunzhao Luo Mai » en mandarin), du réalisateur Wang Chao, l’une des figures du cinéma indépendant chinois.

La nudité « simple » est parfois aussi censurée. C’est ainsi que la fameuse scène durant laquelle Kate Winslet pose nue devant Leo Di Caprio dans Titanic (1997 – James Cameron) a été coupée pour sa sortie en Chine.

L’image du pays et la gouvernance

Plusieurs films seront censurés complètement ou coupés parce qu’on pourrait y voir une critique de la gouvernance du pays. Ainsi, Tomb Raider : le berceau de la vie (2003 – Jan De Bont avec la jolie Angelina éponyme 🙂 ) laissait entendre, que le pays avait un gouvernement absent et était contrôlé en sous-mains par des sociétés secrètes.

Les Infiltrés (2006 – Scorsese), qui a remporté l’Oscar du Meilleur réalisateur, a carrément été interdit. Motif ? Le film a eu l’outrecuidance de suggérer, au détour d’un dialogue, que le gouvernement chinois pourrait faire usage d’une frappe nucléaire contre Taïwan… Oh les vilains !

Avatar (2009 -James Cameron) fut censuré pour l’évocation de l’expropriation en masse de millions de chinois lors des campagnes d’urbanisation lancée par le gouvernement chinois à travers l’exode des « Na’vis » dans le film. Le film représenterait également un concurrent sérieux pour les films de propagandes à la gloire du Parti.

Plus étonnant, Bienvenue chez les Ch’tis fut interdit de diffusion. Danny Boon s’en explique parce qu’il incarne un fonctionnaire qui boit de l’alcool

Le film Fight Club (1999) a dû attendre plus de 20 ans avant d’être visible sur la plateforme de streaming chinoise Tencent Video mais la sortie a été assortie d’un bon coup de ciseau au montage. La censure a coupé l’intégralité du plan final du long-métrage pour le remplacer par un message expliquant que « la police a arrêté tous les criminels [ndlr: dont des chinois], réussissant ainsi à empêcher la bombe d’exploser. Après le procès, Tyler a été envoyé dans un hôpital psychiatrique pour y recevoir un traitement. Il a été libéré en 2012. »

Pseudo-sciences, zombies et autres sorcelleries

Retour vers le futur (1985) fut interdit car il allait à l’encontre des lois… de la physique…

Dans la même veine, Pirates des Caraïbes : le Secret du Coffre Maudit (2006) a été interdit parce que tout ce qui a trait à la sorcellerie, spiritisme, morts-vivants, fantômes, etc… est banni des écrans. (De plus, le personnage de Chow Yun-fat, s’est fait censurer pour véhiculer une image trop caricaturale des Chinois). Il en fut de même de World War Z (2013) et ses montagnes de zombies (sans parler de Brad Pitt à l’affiche).

Le film Babe, le cochon dans la ville (1998 – George Miller) a été interdit. A l’époque, le bureau de censure avait exhumé une vieille interdiction : les films mettant en scène des animaux parlants étaient tout simplement proscrits. Cela valut également pour Jean-Christophe & Winnie (2018) mais ici, il y a plus : Winnie l’ourson a servi de caricature au Grand Leader actuel sur les réseaux sociaux… Du coup, les dessins animés de Winnie l’ourson ont aussi été interdits.

Compromission ? 

La nudité, la promotion du jeu, de la pornographie ou de la violence font partie des thèmes à éviter si l’on veut infiltrer le gigantesque et donc lucratif marché chinois du cinéma. L’image du pays aussi est sacrée. Le remake de Karaté Kid en 2010 en a fait les frais : après des négociations laborieuses, sa sortie fut finalement interdite en Chine au motif que le méchant était chinois !

Pas de sexe, pas de violence, pas de scènes pouvant heurter la sensibilité du pays… La mission semble impossible. (A propos, dans Mission: Impossible III (2006), la scène montrant un homme jouer au Mah-jong, jeu traditionnel chinois, à côté d’une pièce dans laquelle un otage est emprisonné, a été coupée).

Sauf que l’enjeu est tel (un milliard de spectateurs potentiels, ça motive !) que les studios américains sont prêts à tous les compromis, y compris à ce que des « consultants » chinois interviennent sur les films encore à l’état de scénario. Par exemple, dans le film Pixels (2015 – Chris Colombus), Pac Man échappé d’un jeu vidéo devait grignoter Shanghai. Mauvaise idée selon les consultants, suivis par les scénaristes qui ont transporté l’action aux États-Unis.

De plus en plus d’acteurs (scénaristes, producteurs et autres…) du monde du cinéma hollywoodien font appel à ce genre de consultants et pratique donc une sorte d’auto-censure préventive…

Précisons que seules quelques dizaines de productions externes (34 exactement) sont admises dans les salles de cinéma du pays chaque année et que les coproductions sont soumises à d’intéressantes clauses dans leurs contrats : un contrat type pour monter un projet en partenariat stipule qu’il faut «respecter les us et coutumes de la nation chinoise, l’histoire de la Chine et son enthousiasme patriotique». Aucune scène ne doit aller «à l’encontre de la politique étrangère et des intérêts d’État de la Chine sous quelque forme que ce soit».

2 réflexions au sujet de « Coupez ! … Censuré »

    1. Je n’ai pas trouvé trace de « censure » du film Oppenheimer en Chine (mais bien en Inde où la scène où ils discutent nus a été transformée – l’actrice a une robe noire) mais il se peut que simplement pour les besoins du format et « temps »-avion, il ait été raccourci.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *